Un fermage en mâconnais

Cet été, entre la sieste et l’apéro, on me donne une liasse de photocopies en me disant : “Tiens, ton grand-père gardait ces papiers de familles, je ne sais pas ce que c’est, tu regarderas”… J’ouvre : il y en a dans tous les sens, à l’endroit à l’envers, les pages sont mélangées, ça n’a ni queue ni tête… Arghhh, dans quoi ais-je mis les pieds…

Pour commencer, il m’a fallu 2-3 jours pour trier tout ça, les feuilles étant photocopiées en multiples exemplaires, mélangées. Par comparaison des écritures et lecture, j’ai finalement pu reconstituer 8 actes liés à la vie économique de mes ancêtres paternels, entre Mâcon et Cluny.

Commençons !!! Nous sommes le premier Juin 1891, dans les dépendances du château d’Aisne, à Azé.

Château d’Aisne à Azé (71) Propriété du Comte de Murard de Saint Romain

Claude CHAPUIS, régisseur du Comte de MURARD, et Philibert DRILLIEN signent un bail-à-ferme de 3-9 ans à compter du 11 Novembre 1891, pour une ferme au lieudit Saint-Léger, à environ 2 km à l’Ouest du bourg de Verzé (71).

Sections cadastrales de Verzé (71)
Détail sur la ferme St Léger

Les conditions sont on ne peut plus succinctes : “Le preneur devra cultiver en bon père de famille et conformément à l’usage des lieux.”

Quant au montant du loyer : “Le prix de ferme est fixé à trois cents francs par an pour les deux premières années, il sera de sept cent cinquante francs par an pour les années suivantes, payable au onze Novembre de chaque année.”

Comme c’était l’usage dans les baux-à-ferme, il y a aussi une redevance annuelle : “douze poulets, douze douzaines d’œufs et sept kilos de beurre.”

Enfin, pour simplifier les choses surement, “un cheptel de mille francs sera accordé au fermier qui en paiera l’intérêt à cinq pour cent l’an et en aura tout le croit.”

Tope là, cochon qui s’en dédit, c’est parti pour l’exploitation de la ferme.

23 ans plus tard…

Douze octobre 1914. La France est en guerre depuis 2 mois. Antoine BERRY, huissier à Mâcon, se rend chez Philibert DRILLIEN à Verzé, sur la requête de Isabelle de MURARD, héritière du Comte de MURARD. L’huissier signifie au fermier que son bail prendra fin le 11 Novembre 1914. De plus, la propriétaire s’inquiète manifestement de récupérer son bien, sachant “qu’à ce jour Drillien a vendu la plus grande partie du bétail qu’il possédait”. On lui présente donc, à toutes fins utiles, son compte : 750 Francs de fermage annuel, 42 Francs de redevances et 1000 Francs du cheptel, soit 1792 Francs.

Mais la plus grosse discussion manifestement s’appuie sur un usage local : Drillien “doit en outre selon les usages du pays ensemencer les terres de la ferme qu’il occupe” avant de partir, chose qu’il n’a pas fait, et pour cause…

Très respectueusement, et surement soucieux de sa réputation, Drillien explique :

« Je ne cesse pas de leur refaire la semaille de blé à la sortie en raison de ce que je l’ai déjà faite à mon entrée pour la plus grande portion au moins, malgré le désir que j’ai d’être agréable à ma propriétaire, sans considération si j’en ai l’obligation ou si j’aurais avantage à faire leur semaille, je suis dans l’impossibilité absolue de le faire, parce que tout mon personnel qui m’en faisait ma culture a été mobilisé. Mais je ne m’oppose aucunement à ce que Mademoiselle de Murard fasse faire le nécessaire à cet égard, étant prêt à la faciliter autant que je le pourrai et à régler mon compte agréé, elle ayant une sortie de la ferme. »

Voilà, je n’ai pas encore trouvé le fin mot de l’histoire, j’espère que mon ancêtre aura réussi à faire valoir sa bonne foi et son bon droit ! Quoi qu’il en soit, on le retrouvera au recensement de 1921 au hameau Les Martins, à une centaine de mètres de la ferme !

Philibert Drillien, fils de Antoine et de Anne BORNE, né le 27 mars 1846 à Montagny-lès-Buxy, décédé à Vaux, Verzé, le 19 janvier 1922. Avec son épouse Louise Duby, ils auront eu 13 enfants, qui attendront tous l’âge adulte.

Philibert Drillien et Louise DUBY

Transcription des documents :

Author: Cyrille

1 thought on “Un fermage en mâconnais

  1. Quel plaisir de plonger dans les papiers de famille et d’apercevoir de petits morceaux de la vie de nos ancêtres ! Le contexte ne jouait en effet pas en sa faveur…

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